Mysticisme

L'éveil de la conscience transcendantale - Psychologiquement, il s'agit d'une forme de conversion - Elle est généralement brutale - Parfois graduelle - George Fox - Une révélation ineffable - Une vision du Divin, immanent dans le monde - Caractéristiques générales de la conversion mystique - Exemples - Saint François d'Assise - Le mystique type - Sainte Catherine de Gênes - Madame Guyon - Sa personnalité - Sa jeunesse et sa conversion - Rulman Merswin - Suso - Conversion extatique - Pascal - Frère Laurent - La perception de la Réalité divine dans la nature - Le "monde transfiguré" - Exemples - Walt Whitman - Richard Jefferies - Richard Rolle - Chant céleste - La conversion peut revêtir deux formes : 1) Expansive et transcendante - 2) Personnelle et immanente - Analyse et comparaison de leurs caractéristiques - L'amour personnel comme facteur essentiel - Le stimulus qui lance le processus de transcendance.

Nous devons d'abord considérer cet événement décisif que constitue l'éveil de la conscience transcendantale.

Cet éveil, d'un point de vue psychologique, ressemble, sous une forme intense, au phénomène de la "conversion" ; il est proche de ces conversions profondes et durables que certains psychologues religieux appellent la "sanctification"¹. C'est une rupture de l'équilibre du Soi résultant du passage du champ de conscience d'un niveau inférieur vers un niveau supérieur ; il en résulte que l'individu déplace son centre d'intérêt vers l'objet qui vient de lui apparaître. Tel est le point de départ nécessaire de tout processus de transcendance. Il ne faut cependant pas le confondre ou l'identifier avec la conversion religieuse, au sens où on l'entend généralement, à savoir l'acceptation soudaine et émotionnelle de croyances théologiques que le Soi rejetait auparavant ou qu'il considérait comme des conventions en marge de la conscience et sans aucune signification dans sa vie actuelle. Le processus mécanique peut être le même, mais les résultats atteints appartiennent à un autre ordre de réalité.

« La conversion, dit Starbuck - en des mots qui évoquent beaucoup plus l'éveil mystique que le réveil religieux encouragé par le Protestantisme américain - est avant tout un éveil du Soi. La naissance de l'individu s'opère dans son propre monde. Il est dominé par les instincts profonds de préservation et d'élargissement du Soi - instincts qui, sans aucun doute, sont un héritage direct de son ascendance. L'univers est organisé autour de sa propre personnalité, qui en est le centre ». La conversion, c'est donc « la conscience plus vaste du monde qui exerce une pression sur la conscience individuelle. Elle surgit souvent brutalement, apparaît comme une grande révélation. Tel est le premier aspect de la conversion : l'individu émerge d'un monde restreint et limité pour entrer dans une existence plus vaste. Sa vie est immergée dans un tout plus grand. »²

Toute conversion implique l'apparition brutale ou graduelle d'intuitions suivie, en conséquence, d'un remodelage du champ de conscience et d'une transformation de l'attitude du Soi vis-à-vis du monde. « C'est, dit Pratt, un changement d'inclination - le plus important qui puisse survenir dans l'expérience humaine »³. Mais chez le mystique, ce processus est incroyablement intensifié, car pour lui, il constitue la première apparition de cette passion pour l'Absolu, qui constituera dès lors son caractère distinctif : une apparition cruciale qui aura des effets dans chaque aspect de sa vie. Ceux chez qui ce phénomène se produit, sont souvent déjà "religieux" : ils le sont parfois très profondément et avec ferveur. Rulman Merswin, sainte Catherine de Gênes, George Fox, Lucie-Christine - tous furent élevés dans la piété et adhéraient totalement à la tradition chrétienne. Ils n'en furent pas moins conscients d'une transformation complète de leur monde lorsque eut lieu cette ouverture de leur âme.

Parfois, l'émergence de la conscience mystique est progressive et ne procède pas d'une crise particulière. Le Soi glisse doucement, presqu'imperceptiblement, de son ancien univers vers le nouveau. Les documents mystiques témoignent toutefois qu'il s'agit là de cas exceptionnels : ce travail accompagne généralement la naissance. Dans d'autres cas, - George Fox en est un exemple vivant - il n'y a pas de conversion au sens propre du terme, mais une lucidité graduelle et croissante, que le Soi perçoit à peine au départ, et qui est entrecoupée de souffrances et de luttes intérieures caractéristiques de l'entrée sur le Chemin de la Purification. La conversion et la Purification vont de pair et s'estompent ensuite, lorsque l'on connaît la sérénité de l'Illumination. En 1647, Fox décrit dans son journal ces "apparitions" ou perceptions transcendantales d'un esprit qui n'est pas encore en harmonie avec lui-même et qui lutte pour parvenir à une vision lucide.